En terres catalanes, visite de la Maternité Suisse d'Elne
Publié le 24 Avril 2017
De 1939 à 1944, à la maternité d’Elne, une jeune suisse, Elisabeth Eidenbenz, a combattu pour sauver 600 enfants d’une mort certaine.
Mais qui peut mieux relater cet épisode qu’Elisabeth elle-même…lors d’un témoignage en 2007.
« La période passée à la maternité d’Elne est la plus importante et la plus riche de ma vie, beaucoup plus que ce que j’ai fait avant et après, et j’en suis très reconnaissante Le Secours suisse nous a donné la possibilité d’aider les réfugiés nécessiteux et nous avons mené cette tâche à bien. J’étais très jeune et je n’avais aucune expérience mais j’étais pleine de bonne volonté et toujours prête à aider. Je voulais mettre toutes mes forces à la disposition d’autrui et me donner au maximum. C’était un travail qui exigeait beaucoup de cœur et ce fut aussi une grande satisfaction pour moi.
Les femmes venaient de toute l’Europe et étaient internées dans les camps, certaines avaient trouvé un logis chez des particuliers, mais toutes étaient déracinées, sans patrie, avec un futur incertain. Elles étaient au plus bas physiquement et moralement. Il fallait les encourager, leur donner un peu de force morale pour affronter la vie. Nous avons essayé de les distraire pour qu’elles aient également de la joie, à côté de leurs soucis. Le soir, nous chantions, nous organisions des fêtes, nous dansions, je leur lisais des contes de Noël traduits du bernois.
Il n’était pas facile de vivre ensemble en harmonie avec toutes ces femmes différentes. Mais elles connaissaient toutes le même sort, elles avaient perdu leur patrie, elles avaient été expulsées et elles attendaient un enfant.
Nous avons vécu une époque dure et difficile, au cours de laquelle les femmes juives avaient peur pour elles-mêmes et surtout pour leurs enfants. Pendant quelques semaines, elles ont pu se reposer dans une atmosphère familiale et amicale.
Chaque naissance procurait une grande joie et était une source d’émotion. Nous nous sommes aussi occupées d’enfants souffrant de maladies liées aux conditions de vie dans les camps. Les mères étaient généreuses et beaucoup de bébés ont pu être sauver grâce au lait qu’elles leur ont donné.Je ne faisais que mon devoir. C’était normal, indispensable, d’aider les opprimés, les gens poursuivis. Je suis persuadée que, dans les périodes sombres où règnent violence et haine, humanité et tolérance sont nécessaires et possibles. Bien que plus de soixante ans se soient écoulés, tous ces souvenirs, ces évènements, restent vivants. C’étaient une période extraordinaire que je n’oublierai jamais. Ce que nous avons vécu est marqué dans ma mémoire et y restera pour toujours.
En 1991, j’ai reçu un coup de téléphone d’un homme qui me disait être né à la maternité suisse; il voulait me connaître. Quelques jours plus tard, Guy Eckstein est venu me voir à Rekawinkel. Depuis lors, Guy m’a permis de reprendre contact avec beaucoup de « mes » enfants de la maternité et de les revoir, ce qui me rend très heureuse. C’est la richesse de mes vieux jours…»
Préface d’Elisabeth Eidenbenz dans le livre « Les enfants d’Elisabeth » d’Hélène Legrais.
Elisabeth Eidenbenz a reçu en 2002 la médaille des « Justes parmi les nations » et est décédée en 2011.